
Halt And Catch Fire (USA, 2014-2017)
Article de Jeof
Sans doute la création télévisuelle la plus outrageusement méconnue de la décennie. Pouvait-il en être autrement ? A une époque où l’offre sérielle pullule de toutes parts et sur à peu près tous les supports possibles et inimaginables, il est tout de même assez ironique de souligner qu’une série telle qu’Halt and Catch Fire (HACF), narrant les pérégrinations d’un quatuor de génies avant-gardistes et à l’affût de révolutionner les nouvelles technologies mises en orbite durant les années 80, passa totalement inaperçue du public. Un jour viendra où l’on réalisera que HACF aurait mérité davantage d’attention, de reconnaissance, face à des mastodontes tels que Westworld, Game of Thrones ou n’importe lequel des blockbusters télévisuels de ces quatre dernières années. En attendant ce jour, on saura gré, toutefois, de remercier la chaine AMC d’avoir eu suffisamment la foi pour renouveler la série par trois fois et, ce, malgré des audiences de plus en plus faméliques.
Joe Macmillan
Il y a, dans cet acharnement de passions et d’élans, une dimension presque poétique à suivre ces individus chercher un sens à leur existence. À comprendre ces humains avides d’être salués pour leurs talents mais incapables, finalement, de mettre leur ego de côté afin de s’allier durablement entre eux.
L’unicité et l’amour que l’on porte (et qu’il faut porter) à HACF réside dans cette affection, sans mesure, envers des protagonistes qui n’en oublient pas d’être humains derrière tout l’appareillage…
À ses débuts, la critique compara HACF à la plébiscitée Mad Men, le personnage de Joe MacMillan (Lee Pace) étant considéré comme une sorte de transposition similaire de Don Draper dans les années 80. C’est certainement un tort involontaire que de la percevoir ainsi, la série développée par Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers s’émancipant progressivement de cette étiquette trop vite collée pour devenir davantage qu’un ersatz sans âme ni profondeur. Car d’âme et de profondeur, HACF n’en manque pas. La série acquiert même, et quasiment à votre insu, une sorte de sentiment rare – indicible, émouvant, troublant- à l’instar de ces romans que l’on ne peut reposer sur la table de chevet pour se coucher plus tôt. Joe, Gordon, Donna et Cameron (et « Boz », oui, bien sûr) deviennent des personnages que vous vous surprenez à aimer très fort, même lorsqu’ils vous agacent au plus haut point ou lorsqu’ils entreprennent de mauvais choix pour, parfois, de mauvaises raisons.
Toute véracité ou fiabilité envers les détails réalistes mis à part, l’unicité et l’amour que l’on porte (et qu’il faut porter) à HACF réside dans cette affection, sans mesure, envers des protagonistes qui n’en oublient pas d’être humains derrière tout l’appareillage. Dans ces petits instants de rien du tout, ces silences, ces jeux de regards, ces scènes qui finalement font tout un épisode, dans cette foi apportée aux failles et aux forces des protagonistes (incarnés par des acteurs d’exception) ou dans cette capacité à prendre l’intelligence du spectateur sans l’insulter ou dans cette mise en scène à la parité hors norme (Juan Jose Campanella, Phil Abraham, Karyn Kusama, Larysa Kondracki, Kimberly Peirce, Reed Morano) qui, honnêtement, sublime formidablement l’ensemble. C’est cela en fait HACF : une série formidable. Formidablement méconnue. Formidablement écrite. Une comète formidablement belle en fin de compte, qui rappelle précieusement que la vie passe plus vite que nos rêves.
Des choses en vrac et en plus :
- La bande son de cette série est un vrai cadeau. Il y a la partition signée Paul Haslinger, qui évoque les syncopées instrumentales de Tangerine Dream, mais une palette musicale très élargie, brassant aussi bien The Clash, Peter Gabriel, Bonobo, Creedence Clearwater Revival, XTC, Violent Femmes, Chopin, Schubert ou les Pixies.
- Halt and Catch Fire est l’une des séries au générique le plus entêtant et le plus obsédant qui soit. En parfaite résonance avec son époque et avec son contenu: un instantané furieux qui s’achève toujours trop vite.
- Il a beaucoup été question, cette dernière décennie, des derniers épisodes mémorables que furent ceux des Soprano, Lost, Six Feet Under ou encore Breaking Bad. Celui d’Halt and Catch Fire est un modèle d’excellence et de plénitude rarement atteintes, sans mélodrame ni artifice de quelque nature, ce qui lui assure une place chaudement méritée dans mon top 5 personnel. Une chose est sûre: jamais Solsbury Hill n’avait encore été utilisée aussi judicieusement.
Oui, merci. Indispensable.
Merci à Jeoffroy pour l’article et pour l’incitation à regarder cette très belle série 🙂
Je n’arriverai pas à recopier les nombreux commentaires déjà postés sur la série. Ils se mélangent beaucoup trop les uns les autres pour effectuer un simple copier-coller. Les retrouver, les découper et les recoller me demanderait beaucoup trop de temps. Désolé.